La publicité foncière

28 novembre 2024

La publicité foncière joue un rôle important de protection. Les candidats à l'acquisition immobilière ou les futurs créanciers munis de sûretés immobi­lières ont intérêt à connaître l'ensemble des droits réels grevant un ou plusieurs immeubles détermi­nés. Par exemple, un acquéreur doit être en mesure de savoir si son vendeur est le véritable propriétaire de l'immeuble et de vérifier si ce dernier n'est pas grevé de droits réels. Elle apporte un important élé­ment de sécurité et de rapidité dans les transactions. De même, le créancier, souhaitant se faire consentir un droit réel accessoire sur un immeuble, a besoin de savoir s'il existe des hypothèques antérieures à sa garantie, car ces dernières primeront son droit de préférence.

Histoire de la publicité foncière

L'existence d'une publicité foncière complète dans notre système juridique est relativement récente, puisqu'elle date seulement du décret du 4 janvier 1955.

Refonte du droit de la publicité foncière issue du décret du 4 janvier 1955

Après la Seconde guerre mondiale, il fut néces­saire de refondre l'intégralité du droit de la publi­cité foncière, ce qui fut fait par le décret du 4 janvier 1955 qui tend à améliorer l'organisation de la publicité. Les actes à publier doivent permettre une identification précise des personnes parties à l'opération de publicité et des immeubles qui en sont l'objet. Elle a créé un fichier immobilier destiné à centraliser les renseignements. Ce fichier comporte des fiches personnelles et des fiches d'immeubles. Il est désormais possible de connaître l'ensemble des formalités qui ont été effectuées dans une conser­vation des hypothèques par une personne ou toutes celles qui l'ont été pour un immeuble déterminé. Le classement des documents est désormais plus sûr.

On assiste alors à un développement du domaine de la publication. L'extension a été importante pour les privilèges et les hypothèques, puisque les hypo­thèques légales, jusque-là non soumises à publicité, y sont désormais soumises et que de nombreux pri­vilèges immobiliers ont été transformés en hypo­thèque légale. En dehors de ce domaine, la liste des actes soumis à publicité a été augmentée.

Publicité foncière après le décret du 4 janvier 1955

Le bordereau hypothécaire normalisé est intro­duit dans une convention du 27 novembre 1990 signée entre la direction générale des impôts et le notariat. En contrepartie de l'informatisation des bureaux des hypothèques et d'une possibilité de télé-information, la profession notariale s'était engagée à présenter de manière normalisée les documents à publier à la conservation des hypo­thèques

Une ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010 vient enfin remettre en cause une institution sécu­laire du droit de la publicité foncière, à savoir les conservateurs des hypothèques.

La réforme de la publicité foncière par l'ordonnance du 19 juin 2024

La publicité foncière avait incontestablement vieilli. La loi du 20 novembre 2023 a autorisé le Gouvernement à modifier par voie d'ordonnance le droit de la publi­cité foncière. Tel a été le cas avec l'ordonnance du 19 juin 2024. Il s'agit de lui offrir un régime modernisé, simplifié et rationnalisé, par la création d'une théorie générale de la publicité foncière, codifiée dans le code civil, afin d'améliorer son accessibilité et de renforcer son efficacité juridique.

L'un des objectifs de l'ordonnance du 19 juin 2024 consiste à simplifier et à moderniser le langage uti­lisé pour rendre le droit de la publicité foncière plus accessible. L'ordonnance doit être complétée par des décrets qui donneront à la matière sa véritable physionomie.

L'entrée en vigueur est fixée à la date de publica­tion de son décret d'application, et au plus tard le 31 décembre 2028.

Elle met aussi en avant le rôle informatif de la publicité foncière. L'article 710-6 du Code civil pose le principe suivant lequel toute personne peut obte­nir les informations détenues par le service chargé de la publicité foncière.

Caractères de la publicité foncière

Caractère obligatoire

L'ordonnance du 19 juin 2024 pose le principe du caractère obligatoire de la publicité. Mais il l'assortit de plusieurs exceptions qui restent pour l'essentiel celles existant actuellement.

Sanctions du défaut de publicité

Trois catégories de sanctions sont envisageables. Il est possible en premier lieu de sanctionner financièrement la personne qui aurait dû procé­der à la publication. Le décret du 4 janvier 1955 avait prévu comme l'une des sanctions du défaut de publicité obligatoire une amende civile dont le montant, cinquante francs, étaient devenu déri­soire. Comme elle n'était plus recouvrée, la loi du 6 avril 1998 l'a supprimée. La personne n'ayant pas effectué la publication pourra être sanctionnée sur le terrain de la responsabilité délictuelle pour faute. Mais cette sanction a nécessairement une portée relativement réduite, puisqu'elle nécessite qu'un tiers démontre que le défaut de publicité lui a causé un préjudice.

La seconde catégorie de sanctions consiste à réduire l'efficacité de l'acte ou du jugement. Le défaut de publicité ne peut pas jouer entre les par­ties à l'acte qui n'a pas été publié au service de la publicité foncière. Si l'on reprend l'exemple de la vente, il est certain que l'acquéreur est devenu pro­priétaire par le seul échange des consentements. De ce point de vue, la publicité n'ajoute rien à son droit, puisqu'elle ne lui confère pas un titre inattaquable. En revanche, on peut réduire, par l'utilisation de l'opposabilité, le rayonnement de l'acte. Cette sanc­tion s'harmonise en grande partie avec le fondement de la publicité foncière. Elle tend à l'information des tiers. Ces derniers, tant qu'ils n'ont pas été mis en situation de connaître une information relativement à un droit réel immobilier, ont légitimement la pos­sibilité de l'ignorer. L'ordonnance du 19 juin 2024 adopte également le principe de I'inopposabilité des actes ou des jugements non publiés.

Il est enfin possible de sanctionner indirectement le défaut de publicité par la règle de l'effet relatif de la publicité foncière. En vertu de ce principe, aucune publication ne pourra être effectuée au service de la publicité foncière par un ayant cause quelconque, si le titre de son auteur n'a pas été au préalable publié. Cette règle est assez incitative, car le défaut de publicité débouche parfois à terme sur un risque de blocage et de paralysie du bien immobilier. Par exemple un héritier a tout intérêt à publier l'attestation notariée, s'il désire aliéner un ou plusieurs immeubles dépendant de la succession.

Caractère public

Droit à l'information

Tout système de publicité joue nécessairement un rôle d'information. Le droit de la publicité fon­cière ne déroge pas à ce principe. Les tiers doivent pouvoir avoir connaissance des différents rensei­gnements relativement à un immeuble déterminé. Toute personne a la possibilité de connaître les dif­férentes informations qui ont été publiées dans un service de la publicité foncière. Elle n'a pas à justifier d'un intérêt particulier.

Cette information se conçoit de deux manières différentes : les tiers vont consulter directement les différents documents ou ils demandent des copies ou des extraits des différents actes publiés. Le droit français de la publicité foncière a choisi le second système, celui des réquisitions écrites. Le premier risquerait d'entraîner des détériorations ou des pertes de documents. La publicité est quérable.

Principe du libre accès

Ce principe du libre accès à la publicité est posé par l'article 2443 du Code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021. Selon cette disposition, « les services chargés de la publicité foncière sont tenus de délivrer, à tous ceux qui le requièrent, copie ou extrait des documents, autres que les bordereaux d'inscription, qui y sont déposés dans la limite des cinquante années précédant celle de la réquisition, et copie ou extrait des inscriptions sub­sistantes ou certificat qu'il n'existe aucun document ou inscription entrant dans le cadre de la réquisition. Ils sont également tenus de délivrer sur réquisition, dans un délai de dix jours, des copies ou extraits du fichier immobilier ou certificat qu'il n'existe aucune fiche entrant dans le cadre de la réquisition. Le service compétent pour recevoir les demandes sera norma­lement celui de la situation de l'immeuble.