Vente à réméré

01 décembre 2013

La vente à réméré est une vente stipulée avec une faculté de rachat au profit du vendeur (article 1659 du Code civil : « la faculté de rachat est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue »).

Il s'agit donc d'un transfert de propriété que l'on pourrait qualifier de temporaire et qui va permettre au vendeur de devenir à nouveau propriétaire dans un délai convenu dans le contrat.

Juridiquement parlant, ce contrat d'une nature particulière s'analyse en une vente sous condi­tion résolutoire de l'exercice par le vendeur de la faculté de rachat; le bien objet de la vente à réméré peut être de toute nature même si les rédacteurs du Code civil l'ont pensé pour des biens à caractère immobilier.

La faculté de rachat s'exerce de manière discrétionnaire par le vendeur, dans le délai fixé par le contrat et en tout état de cause dans un délai maximum et non prorogeable de 5 ans (articles 1660 et 1661 du Code civil). La loi ne fixe aucun délai minimum mais en pratique il est rare de stipuler un réméré pour une durée de moins de six mois. Cette option de rachat n'est jamais une obligation, et si au terme fixé le vendeur n'a pas manifesté son intention de racheter le bien, ce dernier devient définitivement la propriété de l'acquéreur (article 1662 du Code civil).

Les textes ont prévu le cas pour lequel l'acheteur aurait revendu le bien objet du réméré; cette revente est parfaitement légale, mais dans ce cas, le vendeur peut exercer sa faculté de rachat contre le second acquéreur (même si la faculté de rachat n'a pas été déclarée dans le second contrat énonce l'article 1664 du Code civil). De même qu'il peut revendre le bien, l'acquéreur peut en disposer librement comme tout propriétaire et notamment le donner en location. Dans ce dernier cas, les baux consentis demeureront en vigueur même si le vendeur exerce sa faculté de rachat (il rachètera un bien occupé).

Au plan formel, la vente à réméré est dans un premier temps une vente « normale» entraînant l'application de toutes les règles habituelles. Ainsi, si elle s'applique à un bien immobilier, la vente à réméré suppose notamment un compromis de vente puis sa réitération par acte authentique, la réalisation par le vendeur de tous les diagnostics techniques, un droit de rétractation au profit de l'acquéreur, la purge des éventuels droits de préemption (droit de préemption urbain, SAFER. .. ), et bien évidem­ment un acte notarié final.

Compte tenu de la spécificité de cette vente, il est fortement conseillé de passer le compromis devant un notaire, ou tout au moins de se faire conseiller par un professionnel rompu à ce mécanisme. Toujours au plan formel, l'exercice de la faculté de réméré par le vendeur s'analyse en une réso­lution de la vente et non pas en une « vente à l'envers» de l'acquéreur vers le vendeur initial. La résolution signifie donc que la vente est défaite rétroactivement, ce qui implique la restitution du bien par l'acquéreur et du prix par le vendeur. En pratique, un nouvel acte notarié est requis afin de réaliser le transfert de propriété de l'acheteur initial vers le vendeur à réméré.

C'est concernant le prix de rachat que le Code civil prévoit un mécanisme singulier. En effet l'article 1673 prévoit que « le vendeur qui use du pacte de rachat doit rembourser non seulement le prix principal, mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu'à concurrence de cette augmentation. Il ne peut entrer en possession qu'après avoir satisfait à toutes ces obligations».

Pour être plus précis, le vendeur qui exerce la faculté de rachat doit rembourser :

- le prix de rachat : ici le Code civil ne prévoit rien de spécifique et c'est au contrat de vente à réméré de fixer ce prix. Le plus souvent, lorsque l'opération implique un professionnel/ investisseur, le prix de rachat correspond au prix de vente initial augmenté de sa marge liée au risque (voir plus loin),

- les frais de la vente (frais d'acte et fisca­lité) : lors de la première vente, ces frais sont payés par l'acheteur. Lors du rachat, il devra lui rembourser ces frais (environ 7 % s'il s'agit d'un bien immobilier). Le transfert de propriété lors du rachat générera également des frais (moindres en principe, voir plus loin), lesquels seront à la charge de l'acheteur final, c'est-à­-dire du vendeur à réméré. Le vendeur à réméré paiera donc deux fois les frais liés à la vente, une fois par remboursement de l'acheteur, une fois directement,

- le montant des réparations nécessaires et qui ont dû être réalisées par l'acheteur durant la période du réméré (exemple : réfection d'une toiture vétuste),

- le montant des dépenses non nécessaires mais qui ont valorisé le bien (exemple : remplacement de simples vitrages par des doubles vitrages isolants). Dans ce cas le vendeur qui exerce la faculté de rachat remboursera le montant de la plus-value et non pas celui de l'investissement réalisé.

Au plan fiscal, l'opération de réméré présente les caractéristiques suivantes :

- la vente initiale est traitée comme une vente classique avec taxation éventuelle des plus-­values et perception des droits d'enregistrement,

- les loyers perçus par l'investisseur sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers,

- lors du rachat, un droit fixe de 125 € est perçu; en sus, l'investisseur sera taxé sur la rémunération de son investissement (différence entre le prix de vente et le prix de rachat) ; le régime de cette dernière taxation dépendra de la qualification donnée dans le contrat à cette rémunération (plus-value immobilière, indemnité ... ).

Quelles sont les utilisations de la vente à réméré aujourd'hui ?

La vente à réméré est principalement utilisée aujourd'hui comme un succédané du crédit bancaire, par des emprunteurs à risque ou défaillants. Plus précisément, le réméré est fréquemment utilisé par des personnes ayant un besoin de trésorerie ou ne pouvant plus faire face à des échéances financières proches, mais ayant à court/moyen terme un espoir de retour à meilleure fortune. Ils vendent un bien immobilier (leur résidence principale très souvent), lequel est acheté par un investisseur; le contrat prévoit généralement que le vendeur reste dans les lieux en vertu non pas d'un bail classique mais d'une convention d'occupation précaire dérogatoire au droit des baux d'habitation; à son terme, le vendeur peut se porter à nouveau acquéreur du bien, en dédommageant l'investisseur.

Sous l'angle du vendeur, la vente à réméré est donc une solution permettant de faire face à des difficultés financières de court terme. Sous l'angle de l'investisseur, la vente à réméré est une solution offrant un très bon rende­ment sans que la prise de risque ne soit trop importante.

Exemple

Soit un propriétaire immobilier faisant face à des difficultés financières et souhaitant procéder à une vente à réméré de sa résidence principale. L'opération intéresse un investisseur avec lequel le propriétaire est mis en relation via un intermédiaire spécialisé.

- le bien est évalué à 300 000 €

- la durée du réméré est fixée à 4 ans

- la rémunération de l'investisseur est fixée à 4 % par an.

Phase 1 : achat

l'investisseur achète le bien à 70 % de sa valeur, soit 210 000 €; cette décote de 30 % vise à le prémunir contre les aléas du marché immobilier pour le cas où il resterait propriétaire au terme des 4 ans.

Les frais d'achat se montent à 13 000 € environ à la charge de l'investisseur.

La rémunération de l'investisseur sera en chiffres ronds de 33 000 € (= la marge liée au risque de 4 % par an).

- le vendeur percevra 210 000 € ; en pratique l'intermédiaire (notaire ou cabinet spécialisé) conservera à titre de garantie une somme représentant l'apport que devra fournir le vendeur pour obtenir son prêt immobilier destiné à financer le rachat dans les 4 ans.

On fixera cette somme à 40 000 € ici. Le vendeur ne percevra donc que 170 000 €. Avec cette somme il devra désintéresser ses créanciers et payer l'indemnité d'occupation.

- l'investisseur devra débourser 210 000 € + 13 000 € = 223 000 €

Phase 2 : déroulement

Durant les 4 années, le vendeur paiera à l'investisseur une indemnité d'occupation mensuelle, fixée ici à 1 000 €.

Phase 3 : dénouement

Si le vendeur est revenu à meilleure fortune, il exercera sa faculté de rachat au terme des 4 années et contractera un emprunt bancaire pour ce faire.

- prix de rachat : 210 000 € + frais d'achat initial 13 000 € + rémunération de l'investisseur 33 000 € + frais d'acte du rachat 4 000 € = 260 000 €. Ce prix sera financé par un prêt immobilier avec apport de 40 000 € restitué alors par l'intermédiaire.

L'emprunt se montera à 220 000 € (260 000 € - 40 000 €).

- l'investisseur percevra 256 000 € (prix + remboursement des frais d'achat initial + rémunération)

Bilan

Au final l'opération aura rapporté 33 000 € (rémunération) + 48 000 € (indemnité d'occupation 48 mois) à l'investisseur, soit 81 000 € pour un montant investi de 210 000 €; cela représente un taux de rendement brut de 9,64 % par an. Ce taux doit être minoré pour tenir compte des frais d'intermédiaire, de la fiscalité, et des frais liés à la propriété du bien (taxe foncière, réparations, entretien .. .).

Si le vendeur n'exerce pas sa faculté de rachat, l'investisseur revendra le bien 300 000 €, pour un coût d'achat de 223 000 €, soit une plus-value de 77 000 €. En ajoutant les revenus liés à l'indemnité d'occupation, le taux de rendement brut serait de 14 % par an.