Bail commercial : Le renouvellement

06 avril 2017

 Il est toujours possible au preneur de renoncer au droit au renouvellement à condition que cette renonciation soit faite sans équivoque et qu'elle intervienne au moment où le droit au renouvellement est acquis et non pas avant (ce qui signifie que l'on ne peut pas renoncer au renouvellement au moment de la signature du bail initial).

Au terme des 9 années du bail, trois situations peuvent se présenter :

-         l'inertie des deux parties, aucune ne sollicitant le renouvellement du bail,

-         le renouvellement à l'initiative du bailleur ou encore,

-         le renouvellement à l'initiative du preneur.

On notera également deux autres possibilités moins fréquentes en pratique :

- le bail comporte une clause de renouvellement automatique; dans ce cas, aucune offre ou demande de renouvellement ne doit être formulée. Le bail est purement et simplement reconduit, aux mêmes conditions et pour la même durée.

- les parties décident d'un commun accord de substituer à l'ancien bail un nouveau bail conclu à des conditions différentes; dans ce cas, sans qu'aucune forme de congé n'ait à être respectée, le nouveau bail prend effet.

 

L'inertie des parties

Cette situation, fréquente, consiste à ce qu'à l'échéance du bail, ni le bailleur ni le preneur ne se manifestent pour offrir ou demander le renouvellement de celui-ci. Dans ce cas, aux termes de l'article L. 145-9 alinéa 2 du Code de commerce, le bail, fait par écrit, se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat.

Quelles sont les conséquences de la tacite prolongation ?

En cas de tacite prolongation, le bail se poursuit aux mêmes conditions que préalablement : même loyer, mêmes clauses. Il faut noter que le bail tacitement reconduit devient un bail à durée indétermi­née; le preneur peut donc y mettre fin à tout moment pour le dernier jour du trimestre civil en respectant un délai de préavis de 6 mois au moins.

La tacite prolongation n'interdit pas aux parties d'offrir ou de demander le renouvellement du bail. Ainsi, au cours de la tacite prolongation, le bailleur peut donner congé avec au moins six mois de préavis et pour le dernier jour du trimestre civil (ainsi un congé donné le 1er janvier prendra effet le 30 juin).

De même, à tout moment au cours de la prolongation, le preneur peut demander le renouvellement du bail (code de commerce art. L. 145-10); dans ce cas le nouveau bail prendra effet au 1er jour du trimestre suivant la demande (effet au 1er avril si la demande est faite entre le 1er janvier et le 31 mars d'une année).

Dans les deux cas, le congé ou la demande de renouvellement requiert un acte extrajudiciaire (exploit d'huissier).

Pour le cas où le bailleur fait une offre de renouvellement et le preneur une demande de renouvellement concomitante, c'est cette dernière qui est prise en compte du point de vue de la date de départ du nouveau bail, puisqu'elle prend effet avant le congé. Ainsi par exemple, si le bailleur et le preneur prennent l'initiative le 1er janvier, la demande du preneur prendra effet le 1er avril et l'offre du bailleur le 30 juin. Seule la première sera prise en compte.

La prolongation du bail au-delà de douze années autorise le déplafonnement du loyer. En effet, l'article L.145-34 alinéa 3 du code de commerce prévoit que le plafonnement du loyer renouvelé en fonction de l'indice choisi par les parties (indice trimestriel du coût de la construction, indice trimestriel des loyers commerciaux ou indice trimestriel des activités tertiaires), n'est pas applicable lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans. Cela signifie que le bailleur pourra alors demander l'application de la valeur locative (prix de marché) au lieu de l'application au loyer antérieur du jeu de l'indice choisi.

 

L'offre de renouvellement par le bailleur

Cette situation est régie par les articles L.145-9 et suivants du code de commerce. Le propriétaire du local objet du bail doit don­ner congé par acte extrajudiciaire au moins six mois avant la date d'expiration du bail.

Le congé est donné pour le dernier jour du trimestre civil ( soit pour les 31/03, 30/06, 30/09,ou 31/12) et au moins 6 mois à l'avance. Ce délai est un minimum et rien n'empêche que le congé soit donné antérieurement (la jurisprudence a validé un congé donné sept ans avant le terme du bail), sauf à ce que le destinataire du congé démontre une inten­tion de nuire.

Le congé peut être affecté de trois moda­lités :

- Une offre de renouvellement aux mêmes prix et conditions.

le bailleur se contentant d'augmenter le loyer en fonction du jeu de l'indice. Dans ce cas le preneur peut soit ac­cepter purement et simplement, soit refuser le renouvellement (ce qui signifie son inten­tion de quitter les lieux). En principe, le pre­neur ne contestera pas le montant du loyer puisqu'il est plafonné, sauf si des conditions particulières devaient justifier la réduction de celui-ci. La réponse du preneur n'est assujettie à au­cune forme particulière dans le code de com­merce. Toutefois, afin de ménager la preuve en cas de contentieux, le preneur répondra de manière formelle par acte extrajudiciaire.

- Une offre de renouvellement avec modifi­cation du prix et/ou des conditions du bail.

Le plus souvent l'offre de renouvellement ne contiendra qu'une proposition de modifi­cation du loyer à la hausse. A noter que le bailleur n'est pas tenu de faire figurer le nou­veau loyer demandé dans l'offre de renouvel­lement, cette modalité pouvant être définie ultérieurement ; toutefois, il aura tout inté­rêt à faire figurer le nouveau loyer proposé dans l'offre de renouvellement, faute de quoi le nouveau prix ne sera dû qu'à compter de la demande qui en sera faite ultérieurement (L.145-11).

Soit le preneur accep­tera les conditions du nouveau bail, soit il les contestera dans sa réponse au bailleur. Pas­sée la période de négociation entre bailleur et preneur en vue de trouver un accord sur le nouveau loyer, le preneur pourra saisir le juge des loyers en vue de la fixation du loyer du bail renouvelé. Si aucune partie ne saisit le juge dans le délai de 2 ans (délai posé par l'article L.145-60 du code de commerce), le bail sera renouvelé aux conditions de l’ancien loyer.

Si le preneur garde le silence :

- en payant le nouveau loyer proposé : son silence et le paiement du loyer valent accep­tation du renouvellement aux conditions modifiées,

- en continuant de payer l'ancien loyer : on pourra en déduire qu'il accepte le renouvel­lement mais pas les conditions posées par le bailleur. Dans ce cas, le plus diligent devra saisir le juge des loyers commerciaux.

- Un refus de renouvellement.

Le refus de renouvellement implique sauf exceptions le paiement par le bailleur d'une indemnité d'éviction égale à la valeur marchande du fonds augmentée des frais afférents au transfert de son activité (déménagement, droits de mutations pour le rachat d'un fonds, etc ). Dans quelques rares cas, le bailleur pourra refuser le renouvelle­ment sans paiement d'une indemnité d'évic­tion quand il se trouvera un motif légitime : défaut d'exploitation du fonds, inexécution de ses obligations par le preneur, démoli­tion de l'immeuble pour insalubrité.

- Congé : conditions de forme

Le congé doit obligatoirement être donné par acte extrajudiciaire (acte d'huissier) ; toute autre forme de notification est nulle, même si elle est prévue dans le bail.

- le congé doit être donné par le bailleur lui-même ; s'il est donné par un représentant du bailleur, celui-ci doit bénéficier d'un mandat spécial visant à délivrer le congé. Si le bailleur est une personne morale, le congé est valablement donné par son représentant (gérant s'il s'agit d'une SCI).

- le congé doit préciser sous peine de nullité les motifs pour lesquels il est donné mais également la mention selon laquelle le locataire qui souhaite contester le congé dispose d'un délai de deux ans pour saisir le Tribunal à compter de la date pour laquelle il est donné.

- le congé doit être délivré au preneur lui­-même, propriétaire et exploitant du fonds de commerce. Si le preneur est une société, le congé doit être délivré à son représen­tant légal (gérant, président, PDG) au siège social de la société ou sur le lieu de la location ; dans toutes les hypothèses où la propriété du fonds est collective ou partagée (démem­brement, indivision, communauté légale), on conseillera de délivrer le congé à chacune des parties prenantes : usufruitier et nu-propriétaire, tous les indivisaires, les deux époux.

Trois cas particuliers sont à préciser :

- si l'immeuble est en indivi­sion, le renouvellement du bail suppose l'accord de tous les coïndivisaires. Toutefois, ceux-ci peuvent donner mandat à l'un d'eux de procéder à ce renouvel­lement ; de plus, si le refus d'un des indivisaires de procéder au renouvellement du bail devait mettre en pé­ril l'intérêt commun, les autres peuvent être autorisés en justice à passer outre son refus et à renouveler le bail eux-mêmes.

- si l'immeuble fait l'objet d'un démembre­ment de propriété, les textes du code civil prescrivent que l'usufruitier ne peut renou­veler le bail sans l'accord du nu-propriétaire. En cas de refus de celui-ci, l'usufruitier peut être autorisé en justice renouveler seul le bail,

- si l'immeuble appartient à des époux com­muns en biens, on recommandera, par pru­dence, d'obtenir l'accord des deux époux pour l'offre de renouvellement du bail (acte de cogestion), même si la jurisprudence n'est pas réellement fixée sur ce point.

 

L'offre de renouvellement par le preneur

Le renouvellement est un droit d'ordre pu­blic pour le preneur.

Pour autant, certaines conditions doivent être réunies par le pre­neur pour qu'il puisse demander le renouvellement du bail :

- le preneur, personne physique ou personne morale, doit être immatriculé au RCS ou au répertoire des métiers,

- il doit être propriétaire du fonds, ce qui ex­clut du droit au renouvellement le locataire­ gérant du fonds ou tout gérant salarié non propriétaire du fonds.

- il doit exploiter personnellement le fonds dans les locaux loués, et cette exploitation doit pouvoir être prouvée au cours des trois années qui précèdent l'expiration du bail.

- il doit être de nationalité française. Cette disposition, très anachronique et difficile à justifier, peut être facilement contournée si le commerçant étranger constitue une so­ciété en France, puisque toute société qui a son siège social sur le sol français est réputée être de «nationalité» française. Elle reçoit en outre de nombreuses exceptions, notam­ment au profit des preneurs ressortissants de pays de l'UE ou de pays assimilés.

La demande de renouvellement par le pre­neur est prévue par l'article L.145-10 du code de commerce.

En voici les principales caractéristiques :

- la demande de renouvellement doit éma­ner du preneur lui-même ; s'il s'agit d'une société, la demande doit émaner de son re­présentant légal.

- elle doit être adressée au bailleur en veillant à le désigner correctement dans l'acte. En cas de propriété collective ou dé­membrée, on veillera à adresser la demande de renouvellement à l'ensemble des parties prenantes.

- elle doit être formulée par acte extrajudi­ciaire à tout moment dans le délai de 6 mois précédant l'expiration du bail (ce peut donc être la veille de l'expiration) ou à tout mo­ment de sa tacite prolongation. En revanche, une demande formulée plus de 6 mois avant l'expiration du bail sera jugée nulle comme prématurée.

- dans le contenu, la demande peut, mais ce n'est pas une obligation, contenir une pro­position de modification de telle ou telle clause du bail, ou du loyer. En outre, à peine de nullité, la demande doit reproduire le quatrième alinéa de l'article L. 145-10 du code de commerce : «dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaitre au demandeur s'il re­fuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut d'avoir fait connaitre ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ».

- les modalités de réponse du bailleur sont donc mentionnées ci-dessus. On insistera sur le fait que le silence gardé par le bailleur pendant 3 mois vaut acceptation du renouvellement aux conditions de l'ancien bail.

On indiquera en conclusion que les deux parties, mêmes si elles ont offert ou sollicité le renouvellement, peuvent se raviser et refu­ser le principe de celui-ci, dans le délai d'un mois à compter de la décision de justice défi­nitive fixant le loyer du bail renouvelé. Cette option, offerte par l'article L. 145-57 du code de commerce, n'a évidemment pas la même portée pour le bailleur et pour le preneur. Le preneur, s'il constate que le loyer fixé est trop important, renoncera au renouvelle­ment du bail et quittera les lieux ; le bailleur, s'il n'est pas satisfait du montant du loyer, ne pourra refuser le renouvellement qu'en of­frant le paiement de l'indemnité d'éviction.