L'encadrement des loyers est une fumisterie

11 juin 2024

Le point le plus important de l'article 140 de la loi ELAN qui instaure ce dispositif est le suivant :

- Chaque loyer de référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers selon les catégories de logements et les secteurs géogra­phiques.

Une analyse rapide des différentes valeurs contenues dans les tableaux fixant les loyers de référence pris par les préfectures de Bordeaux et de Paris permet de constater que les loyers de réfé­rences des logement loués meublés correspondent à celui des logements loués non meublés majorés de 12% pour Paris et 13 % pour Bordeaux et que, toujours à Bordeaux, le même taux de majoration est appliqué pour les loyers des maisons par rapport aux appartements.

Magnifique résultat de la statistique administrative ! Mais peut-être s'agit-il simplement d'une insuffi­sance de données qui a conduit à calculer un coef­ficient pour la seule zone où leur nombre était suffi­sant, et à l'étendre à l'ensemble des cas ?

Car il y a en tout 32 cas pour la seule ville de Bordeaux (2 types d'habitat pour «maisons» et «appartements»), 4 zones géographiques et 4 périodes de construction (avant 1946, de 1946 à 1970, de 1970 à 1990 et après 1990), et pour Paris il y a plus de 100 cas car il y a 14 zones géographiques.

Concernant l’hypercentre de Bordeaux par exemple, le loyer de référence pour les logements loués vides (non meublés) est de 18,1 €/m² pour un studio et 14,2 €/m² pour un deux pièces. Il faut donc comprendre que le loyer médian d’un studio non meublé serait de 180 € pour 10 m² de surface habitable, 362 € pour 20 m² et 724 € pour 40 m² alors qu’un logement de deux pièces de 40 m² serait loué 568 € !

Tous les agents immobiliers, tous les propriétaires bailleurs, toutes les personnes qui connaissent un peu le domaine de la location des logements vous diront que ces valeurs sont aberrantes et ne corres­pondent pas du tout au marché locatif Bordelais : vous ne trouverez aucun studio de 10 m2 loué moins de 181 € par mois à Bordeaux, or il devrait y en avoir autant que de studios de 10 m2 loués plus de 181 € puisque 181 € représenterait le loyer médian.

Médian : c'est-à-dire qu'il y a autant de studios loués moins cher que de studios loués plus cher.

En fait, il n'y a aucun studio de 10 m2 loué moins de 200 € par mois à Bordeaux. Et vous ne trouverez aucun studio de 40 m2 loué non meublé plus de 724 €/mois. AUCUN ! Alors que vous devriez en trouver autant que ceux loués moins de 724 €.

Et il ne s'agit pas là d'un cas isolé : les autres loyers de référence fixés par les arrêtés des préfets des départements pour les autres villes concernées font apparaître les mêmes aberrations.

De la même façon, un logement «deux pièces» étant plus confortable qu'un logement «une pièce », simplement du fait que la chambre est séparée de la partie jour, à surface égale, se louera plus cher qu'un logement «une pièce». C'est un fait.

Les loyers médians sont faux : il ne s'agit pas de loyers médians. Il s'agit de loyers fixés sans aucune base réelle, dans la seule intention de faire baisser les loyers. Cependant, pour ceux qui douteraient encore, il est intéressant de regarder les loyers collectés.

La collecte des données

Les observatoires locaux des loyers sont chargés par la loi de collecter les loyers des logements privés afin de faire des statistiques.

La collecte est donc réalisée auprès des administra­teurs de biens, qui sont obligés par la loi de transmettre les données des logements qu'ils gèrent lorsque l'observatoire est agréé par l'État. C'est donc ainsi moins de la moitié des logements loca­tifs privés qui sont observés, ou peut-être seulement un tiers selon certains connaisseurs du sujet; par contre les logements gérés directement par leurs propriétaires ne sont pas collectés, ou très partiellement via des enquêtes réalisées par téléphone auprès des locataires ou des propriétaires : ce mode de collecte n'est pas à même de garantir la qualité des données, mais il ne représente que 5% des don­nées collectées ... alors que le nombre de logements en gestion directe est plus important que celui en gestion déléguée !

Est-ce que l'échantillon collecté est représentatif de la population observée ?

L'examen attentif de ces données permet de consta­ter que plusieurs types de logements régis par un statut particulier sont pris en compte dans ces statis­tiques, parmi lesquels les logements conventionnés ANAH ou ceux faisant l'objet d'un programme de défiscalisation de type Scellier, Pinel ou autre ... Or, pour ces logements, le loyer, inférieur au prix du marché, constitue bien le prix payé par le locataire, mais ce prix n'a été consenti par le bailleur qu'en contrepartie de différents avan­tages parmi lesquels un abattement sur le montant imposable, une réduction d'impôt, ou/et d'autres faveurs ... C'est donc l'État qui paye le «complé­ment» de loyer au bailleur via ces avantages, et ce complément, bien réel, n'est pas pris en compte dans le montant du loyer collecté. Or les caractéristiques de ces programmes font que ces logements appar­tiennent souvent à des bailleurs habitant loin de ceux-ci, et sont presque tous gérés par des adminis­trateurs de biens, et donc tous pris en compte dans les statistiques des observatoires des loyers, si bien qu'ils viennent minorer fortement les loyers pris en compte dans les statistiques. Nous avons donc là un biais très important dans la collecte, qui fait que les loyers médians sont fortement sous-estimés.

Les observatoires des loyers font ensuite des statis­tiques sur la base de ces données : la variable prise en compte est le loyer exprimé en Euros/m2. Cette variable est tout à fait inadaptée pour prédire le loyer d'un logement. Cela est dû au fait que le loyer n'est pas une fonction indépendante de la surface, car un logement comprend des équipements coûteux tels que la salle de bain et la cuisine : un studio de 12 m2 avec douche, WC et coin cuisine se louera bien plus cher qu'une chambre de bonne de 12 m2 dépourvue de ces éléments de confort, et pourtant le loyer de référence qui s'applique est le même !

Conclusion

Le dispositif d'encadrement des loyers a été conçu pour faire baisser les loyers.